NESTORIANISME

NESTORIANISME
NESTORIANISME

Pour expliquer comment le Christ était à la fois un homme véritable et le Fils de Dieu, le patriarche Nestorius de Constantinople élabora une doctrine qui fut rejetée par le concile œcuménique d’Éphèse en 431. L’Église de Perse adopta néanmoins officiellement cette doctrine, une cinquantaine d’années plus tard. De ce fait, on l’appela nestorienne, sans qu’elle eût d’autres rapports avec ce personnage. Elle-même continua de s’intituler Église d’Orient, en opposition à la Syrie occidentale et au monde gréco-romain auquel elle demeura toujours étrangère. Dès le haut Moyen Âge, elle rayonna de son berceau mésopotamien et d’Asie centrale jusqu’en Inde et en Chine. Demeurée sans appui étatique tout au long de son histoire, elle survit actuellement en Syrie, en Irak, en Iran et au Malabar, réduite à quelques dizaines de milliers de fidèles.

Nestorius

Nestorius fut d’abord moine à Antioche. Il s’y forma à une école théologique qui, en christologie, mettait l’accent sur l’homme -Dieu, à la différence de celle d’Alexandrie qui considérait d’abord le Verbe fait chair. Bon orateur et volontiers pourfendeur d’hérésies, Nestorius fut appelé au siège de Constantinople par Théodose II. Sa prédication y inquiéta cependant les fidèles: il se refusait à nommer Marie mère de Dieu (Theotokos ), ne voulant voir en elle que la mère du Christ. Ne niait-il pas ainsi l’unité de la personne du Christ? Conscient de ce danger, Cyrille d’Alexandrie mit tout en œuvre pour obtenir la condamnation de son collègue. L’incompréhension entre deux écoles théologiques et la volonté d’abaisser le siège de Constantinople qui, à la faveur des circonstances politiques, ravissait à Alexandrie la première place en Orient, contribuent à expliquer la passion et la partialité avec lesquelles il poursuivit son adversaire à Éphèse. L’empereur s’en émut au point de déposer Cyrille! Ce qui n’empêcha pas ce dernier de triompher et même de tenir à sa merci la personne de Nestorius, finalement exilé à la Grande Oasis d’Égypte, où il mourut en 451. Sa doctrine lui survécut cependant par l’accueil qu’elle reçut dans l’Église perse.

L’Église de Perse sous les Sassanides (224-632)

Les premières preuves d’un christianisme organisé en Perse datent de l’avènement des Sassanides. Mais les chrétiens n’y obtinrent jamais l’appui de l’État: Sapor II (340-379) les persécuta d’autant plus violemment qu’il les soupçonnait de sympathies pour l’Empire romain où leur situation était devenue privilégiée. Ils durent constamment témoigner de leur loyalisme à la Perse, contre Byzance. La déclaration d’autonomie canonique absolue de leur catholicos-patriarche (424) n’est pas étrangère à cette nécessité, non plus que la réception officielle du nestorianisme au synode de Séleucie-Ctésiphon en 484. Devenue Église «nationale», l’Église d’Orient n’échappa pas pour autant aux persécutions tout au cours des Ve et VIe siècles. Le clergé mazdéen, fort de l’appui que l’État apportait à son culte, ne cessa de la combattre. Cela ne l’empêcha pas d’être la première Église du monde chrétien à proposer un enseignement universitaire de la théologie, avec l’école de Nisibe, réfugiée d’Édesse en 490. On s’y référait plus à la théologie antiochienne de Théodore de Mopsueste qu’à Nestorius. Le nestorianisme fit preuve aussi d’originalité en dégageant les mœurs chrétiennes des courants ascétiques: de 484 à 544, le mariage fut obligatoire pour le clergé, évêques inclus. Jusqu’à nos jours, c’est la seule Église orientale à permettre des secondes noces aux prêtres veufs.

L’expansion médiévale (VIIe-XIIIe s.)

La conquête arabe améliora la situation des nestoriens. Ils rendirent aux musulmans l’incomparable service de traduire en arabe le legs scientifique et philosophique grec. Infructueux auprès de l’islam, généralement tolérant, leur effort missionnaire se porta ailleurs. Alors que depuis longtemps déjà les Églises de l’Inde du Sud étaient canoniquement rattachées à Séleucie, Timothée I (780-823) créa une nouvelle province ecclésiastique au Tibet et sacra un évêque pour la Chine. La fameuse stèle de Si-ngan-fou, érigée en 781, permet de dater les débuts de l’évangélisation de ce pays de l’an 635. Au temps du patriarche mongol Yahball h III (1281-1317), originaire de la Chine du Nord, l’Église nestorienne atteint son apogée. Elle compte alors une trentaine de métropoles et sans doute 250 diocèses, qui s’étendent de Chypre en Mandchourie et du Turkestan au Malabar et à Java. Mais les bouleversements politiques de l’Asie du XIVe siècle abattirent rapidement et sans recours ce christianisme demeuré partout minoritaire. Étouffé en Chine à la suite d’un changement de dynastie, il perd du terrain dans le reste de l’Asie du fait de l’islamisation des Mongols et des Turcs et surtout de la répression féroce de Tamerlan à l’endroit du christianisme. Replié surtout dans le Kurdistan, le nestorianisme entre alors dans une période obscure de deux siècles.

Du XVIe siècle à nos jours

Au XVIe siècle, l’Église nestorienne s’affaiblit encore à la suite de la politique d’union menée par Rome. Récusant la dévolution héréditaire du patriarcat d’oncle à neveu, en vigueur depuis 1450 (et qui demeure la règle jusqu’au XXe siècle), un groupe dissident entra en communion avec Rome sous la conduite de Sul q . Ainsi commença la communauté chaldéenne catholique, qui, de nos jours, a intégré la grande majorité des nestoriens d’Irak. En Inde, tous les chrétiens acceptèrent l’union de 1599, lors du synode de Diamper tenu sous l’influence des Portugais. Mais, cinquante ans plus tard, la majorité d’entre eux, découragée par la latinisation, reprit sa liberté et se rattacha à l’Église syrienne occidentale, embrassant ainsi, paradoxalement, le monophysisme! Le nestorianisme a cependant repris pied en Inde en 1874, lorsque le patriarche chaldéen voulut y établir sa juridiction sur les catholiques fidèles à l’union de Diamper. Devant l’opposition du pape Pie IX à ce projet, la communauté rassemblée par Mar Mellus, envoyé du patriarche chaldéen Audo, se rattacha au patriarcat nestorien: elle devait avoir 15 000 fidèles en 1982. La guerre de 1914-1918 a décimé les nestoriens du nord de la Mésopotamie. En 1933 encore, ils subirent de telles persécutions de la part du gouvernement irakien que beaucoup s’exilèrent, y compris le patriarche Mar Chimoun XXIII, dernier patriarche héréditaire, qui mourut assassiné aux États-Unis en 1975, où il s’était fixé depuis 1940 et où il s’était marié en 1972.

Comptant environ 200 000 fidèles, la glorieuse Église d’Orient, qui a répudié l’appellation de nestorienne, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle a pourtant adhéré au Conseil œcuménique des Églises, envoyé des observateurs au deuxième concile du Vatican et elle entretient des relations assez cordiales avec l’Église d’Angleterre, mais le successeur élu en 1976 de Mar Chimoun, Mar Denkha IV, métropolite de Téhéran, n’a pas réussi à venir à bout de schismes qui perdurent dans l’épiscopat depuis les dernières années de son prédécesseur.

nestorien, ienne [ nɛstɔrjɛ̃, jɛn ] n. et adj.
XIIIe; de Nestorius, patriarche de Constantinople au Ve s.
Hist. relig. Disciple de Nestorius, hérésiarque qui affirmait que les deux natures du Christ (divine et humaine) possédaient leur individualité propre. Les nestoriens furent condamnés par le concile d'Éphèse (431). Adj. Hérésie nestorienne (NESTORIANISME n. m. ).

nestorianisme nom masculin Hérésie christologique du Ve s., de Nestorius, patriarche de Constantinople, concernant le rapport de la divinité et de l'humanité en Jésus-Christ.

nestorianisme [nɛstɔʀjanism] n. m.
ÉTYM. 1694; de nestorien.
Hérésie nestorienne.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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